L'histoire de Venise

 

 

Les premières traces d'occupation trouvées dans la lagune remontent à la période romaine. Ces premiers habitants vivaient de la pèche et de l'exploitation des salines mais ceci restait un habitat dispersé et ne formait pas de centre urbanisé. Cette région faisait partie de l'empire romain.

 

Ce sont les invasions barbares du Vème au VIème siècle qui poussent les populations à trouver refuge dans ces zones difficiles d'accès. Officiellement, c'est le 25 mars 421 que Venise est fondée bien que la date réelle soit probablement plus tardive.

 

L'empire romain d'occident s'étant effondré, c'est l'empire romain d'orient qui reprend l'offensive et libère l'Italie en 540 pour une courte période. Cette conquête par le Général Byzantin Bélisaire est néanmoins particulièrement importante car elle place Venise sous contrôle de Byzance. Venise choisira de rester fidèle à sa très lointaine maîtresse lorsqu'elle devra résister aux invasions des Francs.

 

Carte des reconquêtes Byzantine
En orrangé, les reconquêtes de l'empire Byzantin sous Justinien

 

Des populations continuent à s'établir sur plusieurs îles de la lagune, dont certaines deviennent de véritables cités. La cité de Torcello devient le centre épiscopal de la région avec sa cathédrale fondée en 639.

 

Ces différents centres d'habitations dispersés finissent par se fédérer et choisissent le Rialto, un quartier actuel de Venise, comme centre politique. Venise commence alors à devenir un véritable centre urbain majeur.

 

Le premier Doge (déformation de Dux ou Duc, fonctionnaire Byzantin ayant un rôle administratif et militaire) est nommé en 697, il s'agit de Paulicio Anafesto.

 

La lagune se développe progressivement et connaît sa première crise majeure lorsque Charlemagne envoie son fils Pépin à la conquête de la Vénétie. La résistance, le contrôle maritime et la situation de Venise font qu'il échoue dans sa conquête. L'empire de Charlemagne et l'Empire Byzantin signent un traité de paix. Charlemagne renonce à ses vues sur Venise qui reste sous domination Byzantine. Il s'agit d'un événement majeur dans l'histoire de Venise car ce traité lui a permis de rester officiellement zone Byzantine limitant le risque d'invasions de ses proches voisins. De plus, ces liens privilégiés avec Byzance, vont lui permettre d'établir des relations commerciales prospères avec l'une des villes les plus riches du monde !

 

C'est suite à ces évènements que le Rialto commence à se développer, à accueillir le pouvoir politique et à former une cité qui deviendra Venise.

Aux premiers temps les Doges sont nommés par Byzance puis directement élus par les Vénitiens.

 

En 828, le corps de Saint Marc est volé à Alexandrie par des marchands et ramené à Venise. La précieuse relique sera conservée dans la Basilique du même nom. Saint Marc devient le Saint patron de la ville et remplace Saint Théodore, marquant aussi de cette façon sa prise d'indépendance par rapport à Byzance. Le lion ailé devient le symbole de Venise.

 

L'arrivée du corps de Saint Marc
Le corps de Saint Marc arrive à la Basilique - mosaïque de la basilique Saint Marc

 

 Vers l'an 1000, Venise est de fait indépendante. Son principal atout est sa position. La lagune la protège de ses ennemis et la rend difficile à atteindre. Sa situation entre l'orient et l'occident lui permet de servir de pont commercial entre ces deux régions, assurant la fortune de la ville.

Autant que possible, Venise reste neutre dans les conflits opposant ses voisins, mais lutte sur mer contre les pirates et installe des comptoirs commerciaux en méditerranée.

 

Venise sait aussi s'imposer d'un point de vue diplomatique. En 1177, elle fait office de médiateur entre le Pape Alexandre III et l'empereur germanique Frédéric Ier Barberousse, en guerre depuis des années. La réconciliation est scellée à Venise, événement majeur de la vie diplomatique Vénitienne qui lui permet de s'imposer sur la scène internationale.

 

Les XII et XIIIème siècles voient le temps des croisades, dont Venise profite en monnayant ses services maritimes et en négociant des terres et avantages sur les conquêtes réalisées par les croisés. En 1204, Venise arrive à détourner la 4ème croisade à son profit en demandant aux croisés de conquérir Constantinople avant Jérusalem. La capitale de la Chrétienté d'Orient est ainsi prise et pillée, un empire latin d'orient voit le jour pour quelques années. Ce tragique événement précipitera la chute définitive de l'empire Byzantin qui sera conquis par les Turcs.

Venise ramène du pillage de Constantinople des trésors en quantité phénoménale, qui serviront entre autre à enrichir et embellir la ville. Les célèbres chevaux situés sur la Basilique Saint Marc proviennent par exemple de ce pillage.

 

Le quadrige de la Basilique Saint Marc
Le Quadrige prélevé à Constantinople et maintenant exposé sur la Basilique Saint Marc

 

 Pendant cette période, Venise connaît aussi des guerres avec les Hongrois, Padoue, les Siciliens, Pise, Byzance…

 

C'est aussi pendant ces siècles que le système politique de Venise prend sa forme quasi définitive, qui perdurera jusqu'à la chute de la République. Tout d'abord élu par le peuple, le Doge est ensuite élu par un conseil, qui sera de plus en plus contrôlé par les familles nobles de la ville.

Pendant toute l'histoire de Venise, la ligne directrice sera de nommer des Doges par un conseil, de rendre cette élection la plus sûre possible pour éviter l'établissement de dynasties. De même, progressivement, le pouvoir réel du Doge diminuera au profit de différents conseils. Ce sont ces principes et le système mis en place qui permettront à Venise de garder une telle stabilité politique au fil des siècles. L'autre point important de la vie politique est que l'église n'est pas partie prenante du pouvoir Vénitien au contraire des autres pays européens. Nous avons ici déjà une véritable séparation de l'église et de l'état.

 

Les XIV et XVème siècles :

Le XIVème siècle a été celui des grands périls pour Venise. La première crise du siècle apparaît en 1309 pour le contrôle de la ville de Ferrare, revendiqué par plusieurs membres d'une même famille. Le Pape, prenant parti pour le camp opposé de celui de Venise, jette l'interdit sur la Cité ! Les ennemis de la ville confisquent leurs biens, les navires sont attaqués, les marchands faits prisonniers … c'est la ruine de l'économie Vénitienne qui pourtant ne cède pas. Venise est au bord de la guerre civile opposant les partisans de la paix et ceux souhaitant poursuivre la guerre. Un coup d'état est organisé contre le Doge, qui est déjoué. Ceci amena à la création du célèbre Conseil des Dix, organe doté de pouvoirs exceptionnels, prenant les décisions avec le Doge et ses six conseillers. Ses décisions avaient la même valeur que celui du Grand Conseil, permettant d'avoir enfin un circuit de décision rapide.

 

Ce n'est qu'en 1313, avec un autre Doge à la tête de la république, que Venise capitule devant le Pape permettant à la ville de reprendre ses activités sereinement et de retrouver quelques années de paix et de prospérité.

 

Mais la puissance des voisins italiens de Venise prenait de l'ampleur. Le territoire de Vérone s'étendait autour de Venise, bloquant ses routes commerciales. Une alliance permit de vaincre la menace et surtout à Venise d'étendre ses possessions sur la terre ferme, chose qu'elle n'avait jamais souhaitée jusqu'à présent.

 

En 1348, la peste noire s'abat sur la ville, la moitié de la population en meurt …

 

La guerre contre Gênes reprend en 1350.

 

En 1355, le doge Marin Falier, pourtant vieillard de 85 ans, tente un coup d'état … il est décapité !

 

En 1356, le roi de Hongrie s'attaque à Venise et réclame les terres Vénitiennes situées sur la côte Adriatique du côté oriental ainsi que la Dalmatie. Acculée, Venise accepte.

L'exécution du Doge Marin Falier
L'exécution du Doge Marin Falier

 

En 1373 c'est la guerre contre Padoue, alliée de l'Autriche et de la Hongrie. Venise sort victorieuse.

A la même époque de nouvelles tensions apparaissent avec la rivale Gênes, sur fond de lutte pour s'approprier des comptoirs commerciaux dans l'empire Byzantin agonisant. La guerre avec Gênes éclate à nouveau en 1378. Une grave défaite navale laissa Venise sans défense du côté maritime. Côté terrestre les armées des Hongrois et de Padoue, alliées de Gênes sont en terrains conquis mais ne peuvent atteindre Venise protégée par la lagune. Venise construit des défenses autour de la ville. Chioggia, au sud tombe entre les mains des ennemis de la République. Malgré la situation critique pour Venise, la ville arrive à construire quelques galères et à reprendre l'offensive.  Pendant l'hiver, les troupes Génoises se retrouvent en fait elles-mêmes assiégées dans Chioggia, la seconde flotte de guerre de Venise arrivant d'Orient ! La situation était critique pour les deux camps affamés mais ce sont les Génois qui se rendent. La paix est signée Venise n'y gagne rien mais arriva à se relever assez rapidement, au contraire de son ennemie, Gênes, qui déclina et finit par passer sous domination française.

 

Le XVème siècle est celui de l'expansion et de l'âge d'or de Venise. Venise décide la conquête de son arrière pays. Au milieu du siècle son empire sur la terre ferme s'étend alors sur l'Istrie et la Dalmatie à l'Est, au Pô à l'Ouest et aux alpes au Nord.

L'année 1453 marque la chute de Constantinople, conquise par les Turcs. La situation devient plus délicate pour Venise qui doit traiter avec ces conquérants, beaucoup moins souples que les Byzantins. La seconde moitié du siècle voit le recul de Venise en Orient, les Turcs conquérant plusieurs îles et ports appartenant à la Sérénissime.

 

Vue de Venise au XVème siècle
Vue de Venise au XVème siècle

 

En 1492, la découverte du nouveau monde par Christophe Colomb annonce aussi une modification des flux commerciaux et la perte d'influence de Venise à venir.

 

Le XVIème siècle débute mal pour Venise, qui était devenue trop ambitieuse sur la terre ferme. En 1508 Venise entre en guerre contre la ligue de Cambrai, alliant la France, le Pape, le Saint Empire Romain Germanique et l'Aragon. Les territoires de Venise ont été rapidement conquis par l'alliance et Venise se retrouva assiégée, mais protégée par la lagune. Venise finira par capituler devant le Pape mais les autres membres de l'alliance poursuivirent la guerre, faisant craindre la chute de la Sérénissime. Finalement l'alliance de Cambrai se désagrégea par elle-même et le Pape recréa une nouvelle alliance mais cette fois avec Venise, et contre la France ! C'est finalement avec un nouveau changement d'alliance que la France se retrouve alliée de Venise et en 1516, Venise récupérait ses territoires perdus sur la terre ferme grâce à François Ier !

Malgré cela, la puissance de Venise était définitivement affaiblie.

 

Le Doge en 1565
Le Doge en procession vers 1565


Le reste du siècle voit la progression des Turcs en Europe et en méditerranée, Venise perd des îles dont Chypre en 1571. Pendant ce temps, Venise établit une alliance avec le Pape et l'Espagne qui conduit à une belle victoire navale, la bataille de Lépante en 1571, qui sera glorifiée sur de nombreuses œuvres vénitiennes. Malheureusement ce sera une victoire sans lendemain, et l'une des dernières de la République contre les Turcs.

Entre 1575 et 1577 Venise connaît une terrible épidémie de choléra qui provoque plus de 50 000 morts parmi ses 170 000 habitants.

 

La bataille de Lépante
La bataille de Lépante

 

 Au XVIIème siècle, Venise doit dorénavant affronter les pays européens. En effet, les différents états formant l'Italie avaient été absorbés ou étaient contrôlés par les pays voisins (Milan est par exemple sous domination espagnole). Venise échappa à une tentative de conquête par la ruse en 1618. Des espagnols s'étaient progressivement introduits par petits groupes dans la ville et devaient en prendre le contrôle pendant qu'une flotte arriverait en ville pour en bloquer les accès. Le projet fut déjoué à temps.

En 1630, Venise, alliée des Français, s'oppose à la tentative de prise de contrôle de Mantoue par les Espagnols. Grâce à la victoire française, Mantoue, bien que ravagée reste libre. Mais une épidémie de peste a tué les trois quarts de la population et va se répandre jusqu'à Venise où elle fera plus de 45000 morts, affectant la ville qui ne s'était pas encore remise de l'épidémie de choléra 50 ans auparavant.

En méditerranée, la Crête finira par être perdue au profit des Turcs en 1669. Venise essaiera encore de lutter contre les Turcs, en reprenant pour quelques années la Morée, mais Venise ne pourra plus rivaliser militairement.

 

Au XVIIIème siècle le déclin de la ville est maintenant bien visible, elle restera le plus souvent neutre dans les conflits opposant ses grands voisins. Elle y réussit pendant la guerre de succession d'Espagne, mais doit encore lutter avec l'Autriche contre les Turcs. Le traité de  Passarowitz met fin à cette guerre et fixe les dernières frontières de Venise. Son territoire s'étend en Italie jusqu'à Bergame, mais aussi le Frioul, l'Istrie et la Dalmatie. En méditerranée elle possède encore quelques îles telles Corfou et Paxos.

La majeure partie du siècle se passe calmement pour Venise qui connaît néanmoins la prospérité. C'est la période faste du Carnaval, des artistes tels Canaletto, Vivaldi et Tiepolo. La ville devient un point de passage obligé des aristocrates.

 

Canaletto - le Grand Canal
Vue du Grand Canal par Canaletto en 1730

 

Venise essaie aussi de rester neutre lors de la révolution française et les batailles du Général Napoléon Bonaparte en Italie contre l'Autriche. Venise refuse l'alliance avec la France. Bonaparte ayant vaincu l'Autriche, s'attaque à Venise et obtient la fin de la République. Venise est occupée pour la première fois de son histoire.

 

Au XIXème siècle Venise est cédée à l'Autriche par Bonaparte avant d'être intégrée à un éphémère royaume d'Italie par Napoléon. Venise sera néanmoins restituée à l'Autriche de 1815 à 1866, date à laquelle Venise rejoint le Royaume d'Italie.

 

C'est ici que nous arrêtons l'histoire de Venise, qui fait désormais partie de l'Italie.

 

Pour en savoir plus sur la République Vénitienne, nous vous conseillons l'excellent ouvrage de John Julius Norwich : Histoire de Venise.